Les 1er Amateurs du Borinage

 

Marius on4cn Marius Libert ON4CN, Président d’Honneur de ON6RM est l’un des premiers RadioAmateurs dans la région de MONS.

C’est à lui que nous consacrerons ces lignes. Nous essayerons de nous exprimer le plus clairement possible pour les lecteurs, tout en donnant un maximum de renseignements techniques très utiles.

PREMIERE PARTIE

La réception des ondes .

Comment Monsieur Libert en vint-il à faire ses débuts dans la Radio ?

Alors que j’étais jeune étudiant, je m’intéressais déjà à la radio, mais mes études me prenaient beaucoup de temps car il y avait deux épreuves pratiques en deuxième session pour obtenir le diplôme d’enseignant. J’ai commencé dans les années 1920 à faire de l’écoute de la radiodiffusion (pas nécessairement des ondes courtes) sur mon poste à galène On écoutait surtout le soir les postes Anglais, Français, comme Le Petit Parisien, Radiola, qui travaillaient sur ondes moyennes. Les ondes courtes, à cette époque, n’étaient pas encore occupées par le broadcasting (radiodiffusion). L’écoute se faisait ordinairement au casque, mais en le plaçant dans un récipient, il faisait office de haut-parleur. Tous, nous étions réunis autour de la table pour écouter les émissions. Ce récepteur fonctionnait bien mais évidemment le son n’était pas très audible. L’antenne était généralement un long fil de cuivre ou de bronze que l’on tendait au jardin. Evidemment, il fallait prendre la précaution de disposer des bouchons de liège pour éviter de blesser les pigeons du voisin. Cette obligation de protéger les volatiles faisait l’objet d’un règlement communal à l’époque. Mon second poste fut un montage à une lampe que l’on appelait  » Poste à Réaction « . Il était équipé de résistances et de condensateurs réalisés à la main. J’ai fabriqué des condensateurs fixes, variables à tiroir, rotatifs avec flasques de forme cylindrique. J’avais acheté pour cela des tiges filetées et des rondelles en laiton, les flasques étaient tout simplement du bois paraffiné qui servait d’isolant.
radio03Les bobinages étaient souvent réalisés suivant les systèmes  » fond de panier  » ou alors en  » nid d’abeilles « , et cela sans machine. Ce montage équipé d’une seule lampe fonctionna très bien; Pour augmenter la sensibilité du poste, on déculottait le tube parce que l’isolant était de mauvaise qualité. Le fait d’avoir uniquement le verre et les fils sortant de la lampe multipliait la sensibilité par 10 .Il y avait en ce temps là un journal hebdomadaire qui avait pour titre « L’ANTENNE », un journal français sur papier jaune édité par des RadioAmateurs expérimentés, faisant des articles techniques bien documentés et sérieux. On parlait de montages broadcasting et c’est ainsi que j’ai construit un poste à lampes et bobinages qui étaient montés sur pivots. Il y avait trois selfs, l’une était fixe et les deux autres étaient placées avec pivots sur le panneau avant du poste. Les deux condensateurs variables se trouvaient en retrait de la face avant. C’était un poste comportant un étage d’amplification de hautes fréquences, un étage détecteur à réaction et un étage amplificateur de basses fréquences. J’ai construit le haut-parleur avec un vieux moteur, le cône était en carton léger. J’avais construit tout cela moi-même car le matériel à cette époque coûtait assez cher .
Au début, les postes étaient alimentés par des accus construits de façon artisanale. Le chargeur était constitué d’un redresseur et de plusieurs soupapes électrolytiques construites avec des tubes en verre contenant du bicarbonate de soude !. Je ne citerai pas le nom d’un ami qui un soir de cuite et recherchant du bicarbonate de soude, avait vidé accidentellement le contenu d’une soupape électrolytique. Pour ma part, je redressais la tension alternative avec 16 soupapes pour recharger mes accus de 120 volts. Les grosses firmes de l’époque comme « Thomson » et « S.B.R » construisaient de très bons postes de radio qui étaient de technique avancée. Par la suite, on travaillait sur le secteur, il a fallu construire les transformateurs. Les lampes étaient chauffées en alternatif sous des tensions allant de 4 à 5 volts et 6,3 volts pour les lampes équipant les postes américains.
On peut dire qu’il y avait eu une sérieuse évolution puisque du simple poste à une lampe, on a adjoint un étage à hautes fréquences, ensuite un étage de basses fréquences, pour arriver enfin au Super à quatre lampes. Il n’y avait pas d’étage de moyennes fréquences. On faisait de la détection par tube diode du genre 6H6 et puis les postes sont devenus de en plus compliqués et comprenaient de 7 à 8 lampes. Enfin, j’ai assemblé un poste hétérodyne comportant 9 à 10 tubes dont chaque lampe ne remplissait qu’une fonction. On utilisait les montages appelés C119 et C199 bis qui étaient très en vogue chez les amateurs. C’est ainsi que d’astuces en astuces, je suis arrivé à obtenir des récepteurs très sensibles et très sélectifs malgré mes pauvres ressources.
QUESTION :

radio02Quelles étaient les stations entendues à cette époque dans les années 1920-25 ?

Au point de vue amateur les stations que l’on entendait au début étaient des stations Américaines car elles émettaient déjà avant nous. On entendait aussi des indicatifs Français, Anglais et Allemands, puis un peu plus tard des Russes. Toute l’Europe était entendue uniquement en télégraphie (morse). C’est seulement après que les essais en téléphonie ont commencé. Au point de vue radiodiffusion on écoutait surtout le soir avec la galène, ensuite avec le poste à réaction on recevait des stations étrangères. Ces stations étaient très bien reçues ici à Jemappes (MONS) , mais il fallait attendre le soir car ces postes émettaient en petite puissance . Naturellement, la nuit favorisait la propagation des ondes. Il y avait aussi la Tour Eiffel qui émettait des signaux horaires sur ondes longues.

(aux environs de 2000 mètres). . Dans la région, les stations locales ont démarré dans les années 1935 on écoutait Radio Binche, Radio Châtelineau et aussi Radio Wallonia. C’étaient des émetteurs de faible puissance qui étaient très suivis et avaient une bonne audience. Citons également Radio Liège ainsi que certains postes régionaux flamands. Voilà donc comment Monsieur Libert (ON4CN) réalisa avec du matériel précaire pour l’époque, ses postes de radio lui permettant d’écouter le monde entier. Cela représentait déjà un exploit peu banal dans notre région. Evidemment, ON4CN n’en resta pas là et il nous explique réellement ses débuts en temps que RadioAmateur .

Deuxième Partie :
L’émission des ondes
1924 est l’année de l’obtention de mon diplôme d’instituteur au jury central. C’est à cette époque que j’ai commencé les premiers essais dans la bande des 180 mètres avec mon ami ON4CP Willy Gerronnez .
Etudiant ingénieur il habitait Flénu où nous avons fait la première liaison radio en téléphonie sans modulation. radio05 L’antenne était constituée par une sorte de cage, il y avait deux cercles en fil de gros diamètre aux extrémités. Au centre, il y avait un réseau de fils d’une longueur de 6 à 10 mètres (on installait le tout selon la topographie des lieux). D’ailleurs, on ne mesurait pas car on ne connaissait rien dans la théorie des antennes en ce temps-là . On plaçait l’antenne dans le jardin, cela marchait ou ne marchait pas. Alors, on en modifiait la longueur pour obtenir un bon résultat. On modulait en plaçant directement un microphone du type Charbon que j’ai fabriqué moi-même avec de l’anthracite. Je plaçais ce composant extraordinaire dans l’antenne et c’était parti. Evidemment, on obtenait quand même des résultats puisque entre nos stations, il y avait à peine un kilomètre et nous n’avions pas de difficultés pour nous comprendre. Bien sûr, la modulation n’était certainement pas très fidèle, il y avait beaucoup mieux quand on parvenait déjà à communiquer nous étions on ne peut plus joyeux. Alors, comme l’on dit par ici « On jetait sa casquette en l’air » de contentement ! .
Par la suite, j’ai travaillé en ondes courtes parce que jadis, elles commençaient seulement a être connues et utilisées. Alors, j’ai installé dans le jardin, une antenne qui mesurait 90 mètres depuis la rue jusqu’au fond du jardin. Au bout, il y avait un mât de sapin que l’on allait chercher au charbonnage. J’ai tendu une antenne qui était équipée d’un contrepoids. Il était constitué par un fil isolé d’une longueur de 20 mètres à une distance d’environ 1,5 mètre de la terre. Ce contrepoids représentait plus ou moins l’image de l’antenne. Enfin, cela marchait et j’en étais ravi. La première grande liaison radio et c’est du reste la plus belle, était celle établie avec un radioamateur Néo-Zélandais.Il avait pour indicatif ZL2BZ .Je l’ai contacté en télégraphie dans la bande des 20 mètres. J’ai été reçu dans de bonnes conditions puisqu’il ma donné le report de 56 (ce premier chiffre détermine la compréhension du message envoyé, 5 étant le maximum. Quand au second chiffre, il représente la force du signal reçu en Nouvelle-Zélande, 9 étant le maximum). Et tout ceci avec du matériel dont l’isolement était faible. Malgré cela, j’ai réalisé le plus lointain contact radio, bien avant d’avoir contacté des stations Américaines. Je pense qu’une telle réalisation tenait de l’exploit en ce temps-là. Ensuite, j’ai continué avec deux amis dont l’un avait fait son école coloniale, l’autre était Maurice Meunier de Mons . Il avait fait l’école des mines et est malheureusement décédé après avoir travaillé au Congo . Il avait pour indicatif S5 puis CH2 et lorsqu’il venait à la maison, il disait qu’il était en MISSION D’AMATEUR . En fait, il essayait de faire des adeptes pour la radio. Il faisait de très bonnes émissions avec ses appareils. D’autres stations de la région travaillaient avec les indicatifs B2-G4-S3 . Pour ma part, je dois vous dire que j’ai utilisé l’indicatif O5 , et puis je me suis attribué l’indicatif 4LI . C’était le plus simple en télégraphie et cela se manipulait très facilement. Il n’y avait pas de législation existante en ce temps- là et on n’était pas ennuyés. Quand on émettait, le glissement de fréquence était très important et il fallait souvent rechercher son correspondant au bout de la bande réservée aux radioamateurs. Les signaux manquaient de stabilité car les montages n’étaient pas suffisamment élaborés. C’était réellement un tour de force pour faire un QSO valable. A ce point de vue, les Américains maîtrisaient mieux cette technique et avaient certainement 4 à 5 ans d’avance sur nous.
QUESTION :
Comment était la première station d’émission ?

Au début, l’émetteur était constitué d’un tube de basses fréquences de la firme Radio Technique. J’ai aussi employé des B406 ou B409 de PHILIPS . Plus tard, j’ai utilisé deux lampes en Push Pull sur un support que l’on fabriquait avec du mica, des buselures, et qui étaient placées dos à dos. Cet émetteur était monté sur une planchette suivant le système de l’oscillateur HARTLEY. Lorsque l’on travaillait en télégraphie, on utilisait de l’alternatif brut. Puis, on délaissa la tension de secteur qui a été ensuite redressée et filtrée par des soupapes électrolytiques. Il y avait des blocs d’accus de 40 ou de 80 volts en série. Tout cela donnait tout de même, à la réception, une bonne note avec un ton du genre mille périodes, un peu comme les sirènes de navire. Ce n’était pas facile de communiquer, surtout avec la faible puissance dont on disposait. Quand on brisait accidentellement un tube, cela coûtait très cher. En effet, le prix d’une lampe était alors de 120 francs. Pour vous faire une comparaison, mon père gagnait en ce temps-là 5 francs par jour, ce qui représentait 24 journées de travail! Le récepteur était du type BOURNE en montage sur planchette avec de petites lampes de genre A410, A415 à faible consommation car il fallait préserver les accus et ne pas les recharger trop souvent. En 1935 , j’ai obtenu mon indicatif officiel de ON4CN après avoir passé l’examen à la Régie des Télégraphes et des Téléphones à Bruxelles. A cette époque, il fallait réussir les deux épreuves (Télégraphie et Téléphonie) pour obtenir la licence. J’étais accompagné de mon ami Gérard Caudrelier , professeur de langues dans une école moyenne, et d’un médecin qui opérait à la clinique de Warquignies . Ils étaient également candidats à l’examen de radioamateur. J’ai testé pratiquement tous les systèmes de modulation d’amplitude. Par exemple: modulation Gouraud, Mopa, Maisny, Push Pull, TPTG, Tuned Plate, Tuned Grid. Ces essais ont été réalisés entre autres, avec mon ami Fernand Delbrouck (ON4LB) habitant Ciply . La belle modulation d’amplitude était alors très appréciée lors des contacts locaux ou lointains. Voilà comment un groupe de RadioAmateurs de notre terroir a sensiblement contribué aux premiers pas dans la grande aventure des télécommunications.

Quelques Dates a retenir:

1878
La Suisse utilisera le téléphone pour transmettre de l’opéra chez les abonnés sous le nom de théâtriphone.
1884
A Bruxelles , il y avait déjà 612 abonnés. La Reine Marie-Henriette se faisait transmettre par téléphone, les spectacles du théâtre de la Monnaie, son Royal époux Léopold II détestant le théâtre.
1896
A Budapest , 200 abonnés du téléphone écoutaient le journal hongrois  » Musique et Nouvelles  » .
1913
La Belgique est considérée comme un pionnier en matière Radio. Avant la guerre, il y a déjà la fondation d’une école de T.S.F , d’une station émettrice construite par l’ingénieur Marzi , pour communiquer avec le Congo belge (Zaïre) . Début des émissions à Bruxelles . Le Roi Albert très fasciné par les nouvelles techniques, les écoutera sur un poste à galène.
1923
S.B.R Société Belge de Radiophonie construira la première station Radio Belgique qui quelques mois plus tard deviendra Radio Bruxelles . Elle émettait des studios de la rue Stassart à Ixelles. Les ondes étaient reçues en France , en Norvège , et en Algérie . Toutes les émissions étaient lancées en direct avec un orchestre en studio pour les causeries et journaux parlés.
1930
18 juin, la loi institue l’I.N.R (Institut National de Radiodiffusion).
1935
Il y avait déjà 16 stations émettrices sur les ondes dont Radio Châtelineau , Radio Binche , Radio Wallonia …..
1940
Dès la guerre, ces stations ont dû cesser leurs activités.
1944
4 septembre, première émission de Radio Hainaut sous le direction de Luc Varenne.
Sources : Hector Buslain et Roland Froidure (ON6UR)

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